La justice autorise l’espionnage des nounous

Ils avaient dissimulé un micro dans la peluche de leur bébé pour surveiller la nourrice. La nounou n’a pas apprécié et a porté plainte contre les parents pour « atteinte à la vie privée ». Elle a été déboutée mardi par le tribunal de grande instance de Lyon, qui a relaxé les parents inquiets.

Ils avaient dissimulé un micro dans la peluche de leur bébé pour surveiller la nourrice. La nounou n’a pas apprécié et a porté plainte contre les parents pour « atteinte à la vie privée ». Elle a été déboutée mardi par le tribunal de grande instance de Lyon, qui a relaxé les parents inquiets.

Le tribunal a pourtant bien reconnu que les parents suspicieux avaient porté atteinte à la vie privée de l’assistante maternelle en enregistrant pendant huit heures d’affilée ce qui se passait à son domicile. « Mais le but de cette stratégie n’avait d’autre but que de vérifier les conditions de garde de leur enfant, a considéré le tribunal dans son jugement. Dans sa conception, sa durée, à aucun moment il n’y a eu l’intention de porter atteinte à sa vie privée. » Une « victoire » pour l’avocate de la famille qui se réjouit que « l’intérêt supérieur de l’enfant a(it) prévalu sur l’intérêt de la vie privée ».

L’AVOCATE RÉCLAME UNE LOI

Ce jugement, inédit, autorise donc désormais à user de ce genre de pratiques pour vérifier la qualité des soins prodigués à son enfant. Poser des micros dans le couffin de bébé devient en quelque sorte légal. Maître Béatrice Bertrand va plus loin encore. À la sortie de l’audience, elle n’a pas hésité à demander solennellement que le Parlement « légifère pour normaliser des systèmes de surveillance chez les assistances maternelles ». « Les parents sont inquiets, il est grand temps d’institutionnaliser cette forme d’organisation », considère-t-elle.

Les parents du petit Lucas, aujourd’hui âgé de deux ans, se sont résolus, le 10 janvier 2011, à placer un micro sur le gilet du nounours de leur enfant qu’ils trouvaient particulièrement perturbé depuis qu’il était gardé par madame L. à Couzon-au-Mont-d’Or. En écoutant les huit heures d’enregistrement ainsi récoltées, ils avaient découvert que l’enfant était abandonné à son sort pendant toute la journée, enfermé dans une pièce aménagée au sous-sol de la maison et ne recevant la visite de la nourrice qu’à l’heure des repas.

PAS DE SIGNES DE MALTRAITANCE

La plainte qu’ils ont déposée contre l’assistante maternelle après l’avoir licenciée a pourtant été classée sans suite, aucun signe de maltraitance manifeste n’ayant été relevé sur le petit Lucas. « Cet enfant souffrait pourtant de troubles psychosomatiques qui se manifestaient par des colères, des cauchemars, des fesses rouges, assure maître Béatrice Bertrand. Il a été traumatisé, cette forme d’abandon peut avoir des répercussions possibles à l’âge de l’adolescence. »

Cette famille, secouée par cette affaire, a préféré prendre le large. Elle a aujourd’hui quitté la France pour s’installer aux Caraïbes. Lucas est gardé par sa grand-mère. « Il va très bien », indique l’avocate de la famille.

BRÈCHE DANGEREUSE

La nourrice, elle, a arrêté de travailler. Pour son avocat, ce jugement ouvre une brèche qui risque de s’avérer très dangereuse. « C’est une décision plutôt inquiétante, estime maître Xavier Moroz. Un employeur peut désormais tout se permettre face à un employé, y compris intervenir dans sa vie privée. » Dans l’enregistrement du nounours, les parents, qui avaient eu connaissance des discussions de l’assistante maternelle avec sa famille au téléphone, avaient ainsi eu accès à des informations confidentielles sur la santé de leur employée. Cette dernière allait se faire opérer et allait donc arrêter de travailler.

« En poursuivant les parents, elle entendait s’ériger contre les enquêtes privées », explique-t-il. Il relève que la nourrice était bien notée par la PMI de son quartier et que les poursuites engagées contre elle n’avaient pas abouti. « C’est son honneur qui a été bafoué, elle n’exerce plus comme assistante maternelle. »

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